Ecole

 


Pourquoi l’école est-elle si sacrificielle ? 

L’opinion prévaut que seul l’effort paie, la réussite a son prix, la connaissance passe par l’oubli de soi, il faut mourir à la vulgaire réalité et à ses plaisirs pour pouvoir atteindre les vérités pures, le savoir noble et les places d’honneur. Le sacrifice attendu n’est pas rien quand il est imposé à des enfants et des adolescents, affolés de désirs tout neufs, de passions toutes fraîches et d’illusions vibrantes ! Mais le mérite s’achète, et plus il est grand, plus le sacrifice doit être douloureux. Traduisez : la sélection fait le tri non pas entre les plus ou moins doués, mais entre les plus ou moins sacrifiés.

   Il sera tout donné à celui qui aura d’abord tout perdu. Les « classes prépa » feront les cadres et les dirigeants bien rémunérés de demain. Aujourd’hui ils doivent suer sous le harnais.

    Depuis quand la douleur est-elle la garantie du résultat ? Quel triomphe la peine subie justifie-t-elle ? Le travail est-il toujours un châtiment ? Mais alors, pour quelle faute commise ? La réussite n’est-elle que la compensation d’un long tourment ? Par quelle perversion imagine-t-on qu’un bien peut sortir d’une telle détresse ? Que le mérite n’est que la consolation d’une grande misère ? Que le travail est synonyme de malheur ? Le travail reste tributaire de sa définition : le mot « travail » proviendrait du latin tripalium, un instrument de torture à trois pieds. On ne sort pas de la malédiction biblique d’Adam et Ève. On en revient toujours à la « banalité du mal ». Mais Hannah Arendt fait merveilleusement la différence entre « travail » et « œuvre ». Un travail attend toujours une rétribution (binaire, sacrificielle). Une « œuvre » espère une reconnaissance, ou une marque d’amour. Cela n’a rien à voir avec une « évaluation ».

   Les vrais artistes et les grands esprits ont avoué combien ils se passionnaient pour ce qu’ils faisaient. C’est ce qui rendait leur effort si léger. Les souffrances ne sont pas toujours récompensées. Mais en approchant de la connaissance, il y a plus à recevoir qu’à perdre. Un bon enseigneur devrait comprendre cela et le partager avec ses élèves. 

Extraits de mon essai Le Maître des désirs.

 

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