Shakespeare et ses rivaux
Robert Greene (1558-1592)
Poète et dramaturge, ayant connu un
certain succès à Londres dans les années 1580, Robert Greene s’est trouvé, dès
le début des années 1590, en concurrence directe avec un nouveau venu à la scène,
un certain William Shakespeare. En 1592, Shakespeare n’a produit que trois
pièces, les trois parties de Henry VI. Mais déjà, il fait parler de lui. Les
rivaux commencent à s’énerver, et parmi eux, Robert Greene qui, peu de temps
avant sa mort, écrit un pamphlet contre le jeune histrion, son cadet, pamphlet
intitulé : Greene's
Groats-Worth of Wit (littéralement :
Plaisanterie de quat’ sous de Greene).
‘There is an upstart Crow, beautified with our feathers, that with his Tyger’s heart wrapt in a Player’s hide*, supposes he is as well able to bombast out a blank verse as the best of you** : and being an absolute Johannes fac totum, is in his own conceit the only Shake-scene*** in a country.’
« Voilà une jeune Corneille arriviste, tout embellie de nos plumes****, qui avec ‘‘son cœur de tigre dissimulé sous les apparences d’un acteur’’, se croit capable de boursouffler un vers blanc aussi bien que les meilleurs d’entre vous ; étant un Jack à tout faire intégral, il est, avec toute sa suffisance, l’unique trublion de la scène régionale. »
* Allusion à Henry
VI, troisième partie, acte I, scène 4, vers 140 : ‘O tiger's heart wrapp’d in a woman's hide’,
« Oh, cœur de tigre dissimulé sous les apparences d’une
femme ! » (York s’en prend violemment à la reine Marguerite, la femme
de Henry VI).
** Greene s’adresse
ici à ses pairs, tous les autres hommes de théâtre à qui Shakespeare commence à
faire de l’ombre.
*** Le jeu de mot
est parfaitement lisible.
**** Pour l’ironie, Shakespeare reprendra la métaphore dans son sonnet 78. Se moquant, à son tour, de ses rivaux en poésie, il lance :
Thine
eyes, that taught the dumb on high to sing,
And heavy ignorance aloft to fly,
Have added feathers to the learnèd’s
wing
And given grace a double Majesty.
Tes yeux qui font chanter haut et fort les sans-voix,
Et font voler bien haut les plus lourds
ignorants,
À ces oiseaux savants, ont ajouté des
plumes,
Leur offrant doublement la grâce et
l’élégance.
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