Shakespeare

 



The book of fate

(ou la part du hasard)


La science des probabilités : Shakespeare en avait-il l’intuition ?  « Nous considérons comme scientifique et rationnel tout domaine où la prévisibilité est totale et toute chaîne causale dominable. […] N’est-il pas possible d’imaginer un autre modèle ? Un champ où la prévisibilité ne serait ni univoque ni totale, où il y aurait du jeu dans la prévision. » (Lettre de Michel Serres à François Jacob, 13 juin 1975). 

 
King Henry. O God ! that one might read the book of fate,
And see the revolution of the times
Make mountains level, and the continent,
Weary of solid firmness, melt itself
Into the sea ! and, other times, to see

The beachy girdle of the ocean
Too wide for Neptune’s hips ; how chances mock,
And changes fill the cup of alteration
With divers liquors ! O, if this were seen,
The happiest youth, viewing his progress through,
What perils past, what crosses to ensue,
Would shut the book and sit him down and die.

 

LE ROI HENRY. — Ah, Dieu ! Si l’on pouvait lire le livre 

     du destin,

Voir comment le Temps renverse

Et fait s’aplanir les montagnes, et comment la terre ferme

Perd son assise et finit par se dissoudre

Dans la mer* ! À d’autres moments, on verrait

Les plages qui ceinturent l’Océan soudain

Plus larges que les hanches de Neptune ! On s’apercevrait 

     de l’ironie du hasard,

Et comment la coupe des vicissitudes déborde

Par un trop-plein de boissons fortes ! Ah ! si de cela 

     on avait la vision,

Le plus joyeux des jeunes gens, voyant le chemin 

     qu’il a à parcourir,

Quels périls il a à surmonter, quels obstacles à vaincre,

Refermerait aussitôt le livre et, s’assiérait là pour mourir.

 

                                          Henry IV, 2nd part, III, 1, 45-56.

 

* L’image est reprise au sonnet 64.

 

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