I.A. (dé)générative
Influenceuse
virtuelle
La voix humaine
Le chanteur, compositeur, harmonisateur anglais Jacob Collier, un véritable prodige de la musique, est capable de faire chanter une foule de plusieurs milliers de personnes, a capella, sans préparation, et de produire une espèce de symphonie chorale fascinante.
https://www.youtube.com/watch?v=3KsF309XpJo
Sa technique consiste à reprendre des accords connus, de jouer sur les
tons mineur et majeur, et de rassembler tout cela pour en faire un
« bouquet sonore » d’une évidente beauté. L’expérience, pour le
public pris sous le charme, est très émotionnelle : se sentir une
voix parmi des milliers de voix, pour ne faire plus qu’une seule voix… cela
procure la sensation de « décoller », de planer au cœur d’un nuage
humain. Il n’est pas rare qu’au cours de ces séances, une partie du public en
vienne à pleurer, tant l’émotion est intense.
Ce jeu d’accords est évidemment reproductible par un simple ordinateur,
et un enfant de dix ans, un peu malin, peut fabriquer les mêmes effets en
« pianotant » sur son clavier avec deux doigts. À la différence près
que du « produit » de la machine n’émane aucune émotion, le résultat
est même vite ennuyeux.
Jean-Michel Oughourlian explique, dans Cet autre qui m’obsède : « Je
bâille, par mimétisme, quand je vous vois ouvrir la bouche pour bâiller ;
je ne bâille pas ni n’ouvre la bouche quand je vois s’ouvrir une valise devant
moi. […] Je désire ce que l’autre désire. […] Avec une machine à la place
de l’expérimentateur humain, l’enfant, n’attribuant pas d’intention aux
gestes robotiques de la machine, ne réagit pas. » Par effet d’empathie le
plus classique, la machine ne « déclenche » aucun désir en moi. Je n’ai
pas envie de l’imiter. C’est pour cette raison, toute simple, que les
algorithmes qui sont censés nous pousser à la consommation (de n’importe quoi)
abusent des imitations de désir humain, de façon plus ou moins « subtile »,
en utilisant des influenceurs plus ou moins humains, mais le résultat est
ridicule parce qu’ils ont recours à des avatars. La voix, comme la parole, doit
être incarnée. En elle, nous nous reconnaissons. Les petits robots ne savent
rien faire !
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