État de la pensée

 

 


Le changement permanent

 

Constatant la perpétuelle mutation du monde, Pierre de Ronsard (1524-1585) soupirait : « La matière demeure et la forme se perd. » Quarante ans plus tard, Shakespeare se plaignait de ‘this inconstant stay’, ce changement permanent du monde, l’instabilité foncière de la nature, de notre nature. Le temps d’apprendre à vivre, et pschitt.

   Aujourd’hui, à l’heure de l’Intelligence Artificielle, nous reprenons sans fin la même matière — par la compilation effrénée des données — et nous reformatons à tout va ce que nous avons collecté et entassé dans les data centers. Nos connaissances sont indéfiniment manipulées, retravaillées, refaçonnées, recyclées, à la manière de la fast fashion. La technique est si puissante que la « matière » finit par se perdre et la « forme », perpétuellement remaniée, se répète. De là vient, certainement, notre sentiment de déjà-vu, de surplace que procurent les techniques informationnelles. On nous rabâche ad libitum que « le monde bouge », qu’il faut s’adapter à chaque minute, on parle de « contenu », mais de fait, la réalité vraie a disparu et la « virtuelle » qui la remplace est vide ! L’impression est celle d’un labyrinthe perpétuel. Notre monde est obsolète et l’agitation des images nous fait croire qu’il est encore là. L’effet narcotique est puissant.

 


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