Shakespeare

Loin de tous 

Imogène a été abandonnée. Elle se retrouve seule à errer, dans une forêt inconnue, en quête d’un abri. Elle s’est déguisée en garçon pour qu’on ne la reconnaisse pas. 

Imogen. I see a man’s life is a tedious one :
I have tir’d myself, and for two nights together
Have made the ground my bed. I should be sick,
But that my resolution helps me. — Milford,
When from the mountain-top Pisanio showed thee,
Thou wast within a ken. O Jove ! I think,
Foundations fly the wretched : such, I mean,
Where they should be reliev’d. Two beggars told me
I could not miss my way ; will poor folks lie,
That have afflictions on them, knowing ’t is
A punishment or trial ? Yes ; no wonder,
When rich ones scarce tell true. To lapse in fullness
Is sorer than to lie for need ; and falsehood
Is worse in kings than beggars. My dear lord,
Thou art one o’ the false ones. Now I think on thee,
My hunger’s gone ; but even before, I was
At point to sink for food. 

She sees a cave.

                                                But what is this ?
Here is a path to ’t. ’T is some savage hold :

I were best not call ; I dare not call ; yet famine,
Ere clean it o’erthrow nature, makes it valiant.
Plenty, and peace, breeds cowards ; hardness ever
Of hardiness is mother. — Ho! Who’s here?
If anything that’s civil, speak ; if savage,
Take or lend. — Ho ! — No answer? Then, I’ll enter.
Best draw my sword ; and if mine enemy
But fear the sword like me, he’ll scarcely look on ’t.
She draws her sword.
Such a foe, good heavens!
Enters the cave.


IMOGÈNE. – Je m’aperçois que la vie d’un homme est rude :

Je m’en peux plus, et voilà deux nuits

Que je dors à même le sol. J’en serais malade

Si ma résolution ne me soutenait pas…

                 […] Par Jupiter ! J’ai le sentiment

Que les gîtes s’éloignent des malheureux : ceux, justement,

Où ils pourraient trouver la tranquillité. Deux mendiants                    [m’ont dit

Que je ne devrais pas me perdre. Les pauvres mentent-ils

Quand le malheur les accable et qu’ils savent que c’est

Un châtiment ou une épreuve ? Sûrement, à voir

Comment les riches disent si rarement la vérité !

          [ Tricher quand on ne manque de rien

Est plus coupable que de mentir dans le besoin ; et la fausseté

Est pire chez les rois que chez les mendiants. Ah, mon cher                  [seigneur,

Tu fais partie de ces faux jetons. Maintenant que je pense à toi,

Cela m’a coupé la faim ; et tout à l’heure, j’ai failli

Tomber d’inanition.

Elle aperçoit une caverne.

                                    Mais qu’est-ce que c’est que ça ?

On dirait que ce chemin y conduit. C’est peut-être un repaire

             [ de sauvage :

Je ferais mieux de ne pas appeler ; je n’ose pas appeler ; mais 

             [ la faim,

Avant de vaincre une créature, la rend d’abord courageuse.

L’abondance et la paix enfantent des lâches ; la rigueur du sort

Est mère de la vigueur de caractère… Holà ! quelqu’un ?

Si c’est un être civilisé, qu’il parle ! Si c’est un sauvage,

Qu’il me prenne ou me rende la vie… Holà ! pas de réponse ?

               [ Tant pis, j’y vais.

Je ferais mieux de prendre mon épée ; et si mon ennemi

Craint l’épée autant que moi, il n’osera même pas la regarder !

Elle tire son épée.

Que les cieux me donnent un adversaire tel que moi.

Elle entre dans la caverne. 

Cymbeline, III, 6, 1-27.

 

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