Comique
Les deux rires
Quelle différence y a-t-il entre le rire
méchant et le rire réconciliateur ? Le rire réconciliateur
consiste à mettre « les rieurs de son côté » : l’unanimité est
ainsi reconstituée sur le dos d’un bouc émissaire. En cela, le rire
réconciliateur donne la main au rire méchant qui revient à désigner un bouc
émissaire. À remarquer que le rire méchant est de plus en plus pratiqué
aujourd’hui, et nos « comiques » médiatiques font rire aux dépens des
hommes politiques, des vedettes, de tous les « guignols » en vue.
Avec en suspens, une grosse censure : il est interdit de rire des femmes,
des homosexuels, des handicapés, des personnes « issues de la diversité »…
Ce n’est pas « politiquement correct ».
Raymond Devos, en vrai « professionnel » du rire, disait qu’on
peut rire de tout mais pas de tout le monde. Car très vite, le rire,
comme un jet de pierre, peut être blessant. Et l’unanimité anonyme des rieurs,
dans l’obscurité de la salle, protège les lyncheurs.
Il y a aussi les « victimes désignées », comme l’Auguste qui
reçoit les coups de pied et les tartes à la crème tandis que le « clown
blanc » reste immaculé. Les « jeux du cirque » sont toujours
sacrificiels.
Le plus bel exemple d’un rire qui n’est jamais méchant, c’est celui que
déclenche Charlie Chaplin. Et Dieu sait si Charlot est l’archétype de la
victime désignée à notre rire ! Comment résiste-t-il au rire
méchant ? Il ne se présente jamais comme victime. Il déjoue
complètement le mécanisme victimaire qui sous-tend le rire. La fin sublime des Temps
modernes est un pied de nez magistral à tous les pleurnicheurs en quête de
belles victimes ! « Vous cherchiez des victimes » pour assouvir
votre besoin de violence et de vengeance, semble-t-il dire, « vous ne
m’aurez pas moi ».
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