Génération perdue


 
 

Les autonomes déboussolés 

La génération Z a été biberonnée, éduquée, conditionnée, formatée à l’autonomie. Surtout ne rien imposer à l’enfant, au bébé. Il doit, dès sa naissance, « choisir » ses heures de repas, ses heures de sommeil, et tout à l’avenant. Si possible, on ne lui infligera pas un genre, il « choisira » son sexe, ou n’en choisira aucun, quand bon lui semblera. À l’école, on le laisse trouver les règles par lui-même (comme si elles n’existaient pas avant lui). C’est tellement plus formateur ! Il dispose d’un téléphone cellulaire dès le plus jeune âge et choisit « librement » toutes les vidéos qu’il « veut » voir. Il n’a même rien à mémoriser : tout est dans son portable !

   Que se passe-t-il 20 ans plus tard ? Quel est le résultat de cette expérience « grandeur nature » sur la jeunesse ? Ayant traversé le confinement des années 2020-2021 dans la solitude, loin de son école et de son cadre, loin de ses pairs, le rejeton Z a été « libre » comme peu d’humains ont pu l’être dans leurs décisions. Et que constatons-nous ? La panique ! Les demandes de psychothérapie débordent, les dépressions nerveuses et les suicides se multiplient. Les petits egos d’aujourd’hui, libres de toute attache, sont la génération la plus désespérée qu’on ait jamais vue. Ils ont subi de plein fouet la crise du désir, et ne savent pas la gérer, ni ne sont aidés à y faire face.

   Autocentrés, ces malheureux enfants affranchis de tout (sans avoir jamais été faits prisonniers) ne savent pas où ils vont. Ce sont des « enfants téflon », sur lesquels rien n’adhère, des individus selfiques que la seule image de soi intéresse (et elle est éphémère). En ne leur interdisant rien, leurs parents, leurs éducateurs ne leur ont pas non plus désigné quoi que ce soit de désirable. Ils sont des flèches lancées vers aucune cible… On comprend leur angoisse.

   La responsabilité des adultes qui ont renoncé à se « dresser » comme adultes est immense. « L’époque moderne a commencé par une soudaine, une inexplicable éclipse de la transcendance », déclarait Hannah Arendt, dans La crise de la culture. La « crise de l’Occident » et avec lui, du reste du monde, progressivement est venue d’une inexplicable désaffection des humains devant leurs responsabilités. « L’éclipse » des parents est comme un crime. Et ce sont les enfants, comme toujours, qui en sont les premières victimes.

   Le monde est moche, il y a tout à faire, mais les héritiers n’ont pas envie de changer le monde. La famine, l’injustice, la pollution et l’écologie, les inégalités, tout ce qu’il y a à réparer sur notre malheureuse planète, les laissent de glace. Ils regardent leur nombril et y découvrent un abysse saturnien.

   Étonnons-nous, après cela, du succès colossal des influenceurs plus ou moins véreux : ils bouchent les trous de notre culture avec du virtuel, c’est-à-dire du vide, et la « solution » est pire que le mal. Ne soyons pas non plus surpris de la montée des extrêmes, fascistes ou anarchistes, aux idéaux violents. Comment expliquer autrement le triomphe des libertariens, des Trumpistes et de leurs Musketeers, qui prônent la liberté absolue, celle du mensonge et de la tromperie « sans complexe » ? Comment endiguer le raz-de-marée d’égoïsme qui submerge la planète avant les grandes eaux du dérèglement climatique ?

   Il y a tout à faire et je m’ennuie.

 

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