Mémoire chavirée
Exodus
J’ai découvert le film d’Otto Preminger Exodus en
1961, à sa sortie. Je l’ai adoré, je l’ai vu deux fois de suite. Je suis sorti,
à chaque fois, du cinéma en pleurant. Puis j’ai lu le roman de Leon Uris avec
la même émotion, la même intensité. J’ai longtemps confondu l’histoire d’Israël
avec ce conte magnifique. Et puis, j’ai progressivement déchanté et
aujourd’hui, l’état où se trouve cette « Terre promise » m’emplit de
désespoir. Que sont mes amours devenues ?
Comment la
« promesse » a-t-elle été trahie ? Comment, après trente siècles
de persécutions subies, de renoncements et de sursauts, de dispersion de
Babylone aux fins fonds de la Russie tsariste, après tant de pogroms jusqu’à la
Shoah ; comment les Hébreux, qui ont révélé au monde la notion de victime ─
parce qu’ils sont sans doute le peuple qui l’a éprouvée « mieux » que
nul autre ─ ; comment sont-ils devenus impérialistes, coupables
d’apartheid et bellicistes ? Évidemment, pas tous, mais le bel Israël qui
m’avait fait rêver s’est effondré, dévoré par le ressentiment, l’esprit de
revanche, l’ambition la plus banale, la violence la plus aveugle. Cela
représente sans doute, pour ma génération, l’échec humaniste le plus douloureux
qu’on puisse concevoir.
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