Éducation
Copier le corrigé
« Initium ut esset, creatus est homo, ante
quem nemo fuit. »
Saint Augustin
« Dieu a créé l’homme dans le but d’introduire
dans le monde la faculté de commencer : la liberté. »
Hannah Arendt
La pédagogie rêve d’être une science. La didactique repose assurément sur une méthodologie ─ avec son jargon, ses maîtres à penser, ses rituels et sa pompe ─, mais tout cela relève d’un système éducatif qui m’échappe. Je n’aime pas les systèmes. L’idée même de donner un corrigé à un devoir me semble saugrenue. Un exercice qui n’attend qu’une seule solution est nécessairement pauvre. Il ne peut s’agir que d’une espèce de course au trésor, parsemée d’embûches, et qui n’accepte qu’un seul gagnant. J’ai rarement été mis, dans ma vie, devant une situation qui ne présentât qu’une seule issue, ou alors c’est qu’on voulait me piéger !
Le mécanisme même de copier est naturel, fondamental. Pourquoi faut-il
que cela soit interdit à l’école ? Si, pour la solution d’un exercice, il est
plus facile de copier sur le voisin que de chercher soi-même, c’est que
l’exercice est passif. Amener les élèves à ne s’appliquer, à ne s’investir que
sur des travaux dont le modèle est, en fait, le corrigé, cela me semble un
leurre. Le bon sens serait de leur donner d’abord le corrigé pour voir ce
qu’ils peuvent en tirer, sinon le devoir n’est qu’un jeu de colin-maillard...
Tout exercice qui possède un corrigé auquel les élèves sont invités à se
conformer après le contrôle peut être
défini comme non créatif, non pédagogique (un QCM suffit pour l’évaluation des
acquis), et passablement pervers.
C’est pour cette raison, mais inversée, que les corrections des essais
de mes élèves ne peuvent être assurées que par eux seuls. Je donne le plus
grand nombre possible de modèles, mais il est impensable que je donne un
corrigé type. Pour la même raison, je ne crains pas qu’ils copient. Bien sûr,
il faut s’entendre sur le terme « copier ». Il ne s’agit pas de décalquer.
Faire faire son « expression écrite » par chatGPT ou autre esclave
numérique est 1. une paresse, 2. un signe d’imbécilité assumée, 3. un déni
d’intelligence. Les élèves qui succombent à cette facilité ne sont pas
foncièrement des tricheurs. Ils ont simplement interprété de travers ma
consigne première : cherchez des sources..., inspirez-vous..., rédigez à la
manière de..., imaginez que vous êtes... Leur erreur vient de ce qu’ils ne se
sont pas inspirés, ils n’ont même pas plagié, ils se sont contentés de faire
une page d’écriture. Bénéfice d’apprentissage : nul !
L’élève intelligent imite. L’imbécile copie.
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