Sacrificiel
Jeux et mimétisme
Les liens entre jeux et théorie mimétique sont
criants, qu’il s’agisse des jeux de cartes, des joutes sportives ou des jeux
d’argent. Dans la plupart des jeux, l’enjeu est une rivalité, on se
compare, on s’affronte... On peut ajouter à ces critères celui de la prise
de risque. Le « goût du risque » a quelque chose de foncièrement
sacrificiel. Le risque peut être fictif, comme pour le saut à l’élastique, ou
bien réel quand il s’agit d’escalade en montagne ou de jeu d’argent (on peut se
retrouver ruiné).
Les
jeux, comme les rites, sont des représentations sacrificielles. Il doit
toujours y avoir un perdant ! S’agissant du sport, Michel Serres
remarquait que dans les compétitions, il y avait essentiellement des
perdants ! Le « triomphe » du héros cache la masse des exclus.
La
part de hasard (que ce soit « la merveilleuse incertitude du sport »
ou les loteries de toutes sortes) révèle bien que le joueur s’en remet au sort.
Or, il n’y a rien de plus proche du sort que le destin, ou la fatalité que nous
imposent les dieux ! Tout le vocabulaire de la superstition peut ici être
convoqué : chance, fortune, bonne étoile, voire maléfice... Dans les jeux
de hasard, c’est le hasard qui joue ─ comme la bille folle sur la
roulette de casino ─ tandis que le joueur est joué.
Les
jeux vidéo ont moins de pudeur que les jeux traditionnels. On y tue vraiment
des adversaires... mais on a droit à plusieurs vies. La virtualité a bon
dos : le jeu vidéo nous déleste de notre goût pour la violence,
pour le meurtre gratuit, pour la vengeance.
Quant
à la chasse au bouc émissaire, les jeux modernes en assument le mécanisme. L’exemple le
plus typique est la série coréenne Squid Game*. Le « jeu » consiste à laisser les pauvres
s’entretuer jusqu’au dernier, dans l’espoir
chimérique d’une récompense de millions d’euros. Tous les coups sont permis, de préférence les
plus bas : le chantage, la torture, l’humiliation, surtout l’humiliation,
la devise étant « que le pire gagne ! ».
Des jeux du
cirque au sacrifice virtuel, on ne quitte pas le spectacle de la violence, sa
mise en scène, sa mise en valeur, ses contrefaçons rituelles.
* Voir mon article du 29 juin.
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