Les historiens impuissants

 

 

Retrouver le Jésus historique

 

La thèse est éminemment captivante et vouée à l’échec.  En effet, que cherchent les historiens ? Des preuves, des témoignages, des faisceaux d’indices, des logiques non contradictoires. Avec le Nazaréen, ils trouvent évidemment des traces avérées — tout le monde admet aujourd’hui l’existence historique de Jésus, sauf quelques « mythistes » illuminés —, mais tous ces « éléments de preuve », aussi irréfutables soient-ils, sont trompeurs. Ramener Jésus à son contexte, à son époque, à la tradition religieuse de ses pairs, à l’environnement humain qui a pu l’« influencer », c’est passer à côté de l’essentiel. Car l’essentiel, c’est justement que Jésus ne peut pas être réduit à ces données, locales, sociales ou autres. Il est nécessairement à part, à côté, ailleurs, hors temps, au-delà. Ni Juif orthodoxe, ni Essénien, ni Pharisien, ni cryptoromain, que sais-je ? Cela est tellement criant qu’il a passé sa vie, en tout cas sa vie publique telle que nous la connaissons, à s’interroger lui-même sur sa « nature », doutant jusqu’à sa mort qu’il était bien celui que Dieu avait « élu ». Je pense qu’une fois ressuscité, ses doutes se sont évanouis et, dès lors, il a cessé complètement de prêcher : sa mission « historique » était bel et bien terminée.

   Ce personnage singulier, par définition insaisissable, hors du commun, et pourtant singulièrement humain, a embarrassé ses disciples d’abord, qui n’ont longtemps rien compris à ce qui se déroulait sous leurs yeux, et il a embrouillé ses « fidèles » ensuite, qui se sont empressés de broder sur la légende. La question que j’ai reprise pour mon essai — Qui dit-on que je suis ?* — est bien centrale, et Jésus savait pourquoi il la posait. Quand il a esquissé l’idée que les doctes n’y comprendraient jamais rien, mais que les enfants, eux, avaient directement accès à sa vérité, il a coupé l’herbe sous le pied, par avance, à tous les exégètes bibliques, historiens, à venir. Car les enfants, autour de lui, ne doutaient pas de sa présence. Et seule sa présence fait la différence avec toutes les philosophies, toutes les religions, tous les mythes de l’humanité, universellement.

   Sa présence s’est manifestée une première fois par son Incarnation. La chose est tellement incompréhensible (et pourtant nécessaire) qu’elle est qualifiée de Mystère. Mais notre logique ne bloque pas seulement sur cela. En ressuscitant, c’est-à-dire en affirmant une deuxième fois son Incarnation, il dérange plus que jamais toutes nos certitudes logiques, rationnelles, confortables. Sinon, il n’est qu’un sage, un érudit, un ermite comme tant d’autres.

  * L’Harmattan

 

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