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Affichage des articles du décembre, 2024

Sonnet 98

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L’absence   From you have I been absent in the spring, When proud pied April (dress’d in all his trim) Hath put a spirit of youth in every thing, That heavy Saturn laugh’d and leapt with him. Yet nor the lays of birds, nor the sweet smell Of different flowers in odour and in hue, Could make me any summer’s story tell, Or from their proud lap pluck them where they grew ; Nor did I wonder at the Lily’s white, Nor praise the deep vermilion in the Rose : They were but sweet, but figures of delight, Drawn after you, you pattern of all those.    Yet seem’d it Winter still, and you away,    As with your shadow I with these did play.   J’ai été retenu loin de vous, ce printemps, Quand Avril le superbe, en habit chamarré, Soufflait sur toute chose un esprit de jeunesse, Poussant le lourd Saturne à rire et à danser.   Mais ni les chants d’oiseaux, ni le parfum suave Des fleurs, ni les odeurs aux nuances multiples, N’ont pu m’i...

James Joyce

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  «  Au milieu de la mort nous sommes en vie . »

Jean de La Fontaine

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  Les Animaux malades de la Peste *   Un mal qui répand la terreur, Mal que le Ciel en sa fureur Inventa pour punir les crimes de la terre, La Peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom), Capable d’enrichir en un jour l’Achéron, Faisait aux animaux la guerre. Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés : On n’en voyait point d’occupés À chercher le soutien d'une mourante vie ; Nul mets n’excitait leur envie ; Ni loups ni renards n’épiaient La douce et l’innocente proie. Les tourterelles se fuyaient : Plus d’amour, partant plus de joie. Le Lion tint conseil, et dit : « Mes chers amis, Je crois que le Ciel a permis Pour nos péchés cette infortune ; Que le plus coupable de nous Se sacrifie aux traits du céleste courroux ; Peut-être il obtiendra la guérison commune. L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents On fait de pareils dévouements : Ne nous flattons donc point ; voyons sans...

Shakespeare

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  L’amour au premier regard   Rosalind . There was never anything so sudden, but the fight of two rams and Caesar’s thrasonical brag of “I came, saw, and overcame.” For your brother and my sister no sooner met, but they looked ; no sooner looked, but they loved ; no sooner loved, but they sighed ; no sooner sighed, but they asked one another the reason ; no sooner knew the reason, but they sought the remedy : and in these degrees have they made a pair of stairs to marriage, which they will climb incontinent, or else be incontinent before marriage. They are in the very wrath of love, and they will together : clubs cannot part them.   ROSALINDE. – On n’a jamais rien vu de si soudain, sauf le combat de deux béliers et la fanfaronnade de César : « Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu. » Car votre frère et ma sœur ne se sont pas plus tôt rencontrés qu’ils se sont aperçus, à peine aperçus, ils sont tombés amoureux, à peine amoureux, ils ont soupiré, ils ont...

La fin du sacré

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    Remplacé par un sacré supérieur ?   Sylvain Durain se pose, comme moi, la question de savoir comment a été remplacé le sacré*. L’homme est brillant, très précis, son argumentation est solide et cohérente. Son travail est rigoureux. Il inspire la confiance.    Il a parfaitement assimilé mon auteur préféré (après Shakespeare) et il revient sur le point le plus controversé de la théorie mimétique : que faire du sacrifice une fois que l’on est arrivé à la fin du sacré  ? C’est le centre même de mon livre sur Jésus** : si Jésus abolit le sacrifice, que se passe-t-il après ? Ou dit autrement : quoi mettre à la place du sacrifice ?    La réponse de Sylvain Durain est simple : « une autre forme de sacrifice », ou « le retour du sacrifice humain », qu’il qualifie de « sacré supérieur ». Il voit des sacrifices partout, et comme moi, il reconnaît que le « sacré archaïque...

Publication

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  À mes lectrices et lecteurs bénévoles   J’ai réuni dans ce recueil quelques fragments et bribes des nombreuses lectures de William Shakespeare que j’ai faites au fil des années. L’ensemble forme une petite anthologie absolument personnelle, mon aide-mémoire, en quelque sorte. Le choix des extraits dépend de mes goûts, de mes curiosités, de mes étonnements, de mes enthousiasmes. Les passages cités sont ceux que j’aime à relire. J’ai évité les citations trop connues, celles qui sont devenues des proverbes. Vous ne trouverez pas « Être ou ne pas être », ni « un conte dit par un idiot plein de bruit et de fureur »... Dans le trésor immense de l’œuvre de Shakespeare, théâtre et poésie confondus, les pépites ne manquent pas. La mine est loin d’avoir révélé tous ses secrets.    Certains extraits sont assez longs. Le sens profond des propos de Shakespeare ne se révèle souvent que dans le contexte dramatique où ils sont énoncés, ou dans le corps en...

Genré.e

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    La pensée est-elle « genrée » ?   La question est stupide, mais beaucoup de féministes, de wokistes, de penseurs politiquement corrects se la posent quand même.    Quand je lis Blaise Pascal ou Simone Weil, est-ce que je m’interroge sur leur sexe ? Est-ce que leur genre a déterminé leur réflexion ? Est-ce que je tiens compte de leur masculinité ou de leur féminité (relatives) pour juger de ce qu’ils m’apprennent ? Si je me pose la question, je suis sur la voie de l’égarement.    Traditionnellement, on disait que les hommes étaient surtout rationnels et les femmes plutôt sensibles. L’a priori a fait long feu ; alors on a tenté de dépasser cette distinction binaire. Tous les cerveaux se ressemblent, a-t-on commencé à reconnaître. Mais voilà que quelques radicaux (quelques radicales), né.e.s de la dernière pluie, veulent nous convaincre que la production intellectuelle féminine est quand même différente de l...

Revenir à Michel Serres

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L’angoisse devant le corps   « La politesse, le conformisme vient d’une angoisse devant le corps. Limiter les gestes, stéréotyper les mimes, étouffer la posture dans une gangue appauvrie. [...] Pour nous, les fous gesticulent, les primitifs se désarticulent, le sauvage danse, enivré. Nous avons peur du délire, de la sauvagerie ; la pauvreté gestuelle est la traduction corporelle de cette épouvante. [...] Vertige insensé de l’animalité, timidité imbécile. »   Cahiers de formation, Tome XIII.  

Portfolio

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  Peter Pan de W. Shakespeare à J. M. Barrie  

Poésie

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  Je m'aime comme toi-même, Autant que toi tu peux m’aimer. Aime-moi donc du mieux que tu le peux. Plus tu m'aimes, plus je m'aime, Et ce surplus d'amour que tu me donnes, Il te revient aussi en vagues majestueuses. Pour mon plus grand bonheur, j’aime et je suis aimé ; De là, je ne peux fuir, ni ne serai chassé .*   * Sonnet 25.  

La Boétie

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  L’amitié des tyrans   « C’est cela que certainement le tyran n’est jamais aimé ni n’aime. L’amitié, c’est un nom sacré, c’est une chose sainte : elle ne se met jamais qu’entre gens de bien et ne se prend que par mutuelle estime, elle s’entretient non pas tant par bienfaits que par bonne vie. Ce qui rend un ami assuré de l’autre, c’est la connaissance qu’il a de son intégrité : les répondants qu’il en a c’est son bon naturel, la foi et la constance. Il ne peut y avoir d’amitié là où est la cruauté, là où est la déloyauté, là où est l’injustice ; et pour les méchants, quand ils s’assemblent, c’est un complot, non pas une compagnie ; ils ne s’entraiment pas, ils s’entrecraignent, ils ne sont pas amis, mais ils sont complices. »   Discours sur la servitude volontaire (1549).  

Essai

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  Et William devint Shakespeare Ma proposition, dans le prolongement de mes précédents travaux sur Les Sonnets , repose sur l’idée que la transformation de Shakespeare au cours de sa carrière n’est pas le fruit du hasard mais celui de l’expérience, de son expérience unique. Je pose l’hypothèse que cette expérience décisive est inscrite dans Les Sonnets . Au-delà de leur rédaction, Shakespeare se libère peu à peu des contraintes imitatives et affirme sa singularité. L’analyse croisée des Sonnets et des pièces de théâtre sont une clé qui permet d’ouvrir les portes à peine closes de toute l’œuvre.    Mon essai ne s’adresse pas en priorité aux « spécialistes ». J’espère intéresser tout amateur de Shakespeare qui veut en savoir plus sur cet illustre inconnu. En soulevant une partie du voile sur les mystères qui entourent encore la vie et l’œuvre du Barde, j’interroge sa production pour savoir ce que Shakespeare dit de lui-même. Mon essai est une sorte de portrai...

Enfance

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  La mort du Petit Prince      ― Ah ! tu es là...    Et il me prit par la main. Mais il se tourmenta encore :    ― Tu as eu tort. Tu auras de la peine. J’aurai l’air d’être mort et ce ne sera pas vrai...    Moi je me taisais.    ― Tu comprends. C’est trop loin. Je ne peux pas emporter ce corps-là. C’est trop lourd.    Moi je me taisais.    [...]    Je m’assis parce que je pouvais plus tenir debout. Il dit :    ―Voilà... C’est tout...                             Antoine de Saint-Exupéry , Le Petit Prince.

État de la personne

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  Je suis mes liens   L’identité de chacun ressemble à une note de musique. Toute seule, elle n’est rien. À deux, à peine une alarme. Pin-pon. C’est en relation avec d’autres, beaucoup d’autres, que l’identité se révèle. Passez d’un accord de la majeur en la mineur, en changeant un do dièse en do bécarre, et toute l’harmonie est bouleversée. C’est Tu, Il et Elle qui font que je suis Je.    Comme la musique, nos relations sont affaire de solfège, avec ses règles de composition, de variations, de rythmes, de mélodies, d’accents, et au bout de la partition, reste l’interprétation qui fait vraiment la différence. Les compositions sont infinies, comme notre identité peut prendre une infinité de formes. Mais toujours dans son rapport aux autres.    On peut opérer une « arrêt sur image ». Mais un « arrêt sur note » tue la note. L’identité est vivante, elle n’est jamais fixée pour l’éternité.  

La fin de la loi

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  Il a tout effacé   « Il a effacé, au détriment des règles et de la loi, l’échéancier de notre dette, qui nous était contraire ; il l’a supprimé en la clouant sur la croix. Il a dépouillé les Principautés et les Puissances et les a données en spectacle à la face du monde, en les trainant dans son cortège triomphal. »                                                       Épitre aux Colossiens , 2, 14-15.  

Sacrificiel

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  La lapidation   « La lapidation et le fait de précipiter quelqu’un dans le vide sont des formes très répandues de meurtres rituels. Ce sont des exécutions capitales auxquelles tout le monde participe sans que personne ne soit responsable. »                                       René Girard, Les Origines de la culture .   Dans cette analyse, René Giard renvoie à un mode d’exécution archaïque, quasi universelle, et appelée dans les Évangiles la Géhenne . Pour l es Ammonites, une ethnie cananéenne disparue deux siècles avant notre ère, la Géhenne était le lieu où l’on offrait des enfants en sacrifice au dieu Moloch. Ils étaient précipités d’une hauteur et laissés à l’abandon et à la décomposition. On comprend que, dans la tradition hébraïque, la Géhenne soit as...

Shakespeare

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  Comme un roman   En ce printemps de 1595, William Shakespeare donne, avec la troupe du Grand Chambellan, pour l’ouverture de la nouvelle saison théâtrale, la première représentation de La Nuit des rois . Il n’est pas un nouveau venu au théâtre. Auteur aguerri autant qu’habile metteur en scène, il connaît les goûts du public londonien et en joue avec bonheur. Depuis La Comédie des erreurs , il s’intéresse au thème des doubles et des jumeaux, et il sait en tirer des pièces à succès. Il se sert, pour le ressort de sa nouvelle comédie, d’une des conventions les plus contraignantes de l’art dramatique de l’époque, celle qui interdit aux femmes de monter sur scène et qui oblige à ce que tous les rôles féminins soient tenus par des hommes (le plus souvent, des adolescents). Shakespeare en profite pour multiplier les situations comiques, dont le public raffole : il lui suffit de savoir jongler avec la confusion des sexes. Shakespeare sait qu’il peut compter sur un acteur parfait p...

Contradictions

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  Qu’est-ce qui nous rassemble ? L’obsession de nos contemporains pour la diversité est une notion ambiguë. Elle est faussement démocratique. Elle prétend rassembler, puisqu’il ne faut exclure aucune minorité, et en même temps, elle affirme le droit absolu de chacun à la différence. Le « droit à la différence », en se prétendant un droit « universel », est un oxymore. Un droit sans limite n’est plus un droit, c’est un caprice. C’est un « droit » sans loi, garanti par aucune transcendance, puisque chacun tend à s’ériger comme l’auteur de sa propre loi... Comment « inclure » les diversités ? Les seules choses qui peuvent nous rassembler, ce sont nos ressemblances. Disons : nos ressemblances multiples et infiniment variées.  

Violence et débilité

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  Ramzan Kadyrov faisant mumuse avec le cybertruck d’Elon Musc. Quel est le plus sot, le plus ridicule des deux ?   La guerre est un jeu pour sales gosses, un jeu joué par des êtres abêtis, et qui tiennent très mal leur rôle.   Leurs répliques, toujours les mêmes, sont récitées sur un ton méchant, toujours le même, pour se donner l’air… Comment imagineraient-ils y apporter une nuance ?    « Les êtres humains, comme les animaux, manifestent une courbe croissante d’agressivité jusqu’à la puberté, plus haute chez les mâles que chez les femelles. Cette courbe décroît avec l’âge », nous rassure Boris Cyrulnik ( Quarante voleurs en carence affective ). Qu’en est-il de Poutine, de Kim, de Khameiney ? La liste n’est pas close.    Leur immaturité fait froid dans le dos. Plus que de puérilité, on peut parler de régression barbare, d’une chute dans l’abîme noir des origines.

Éducation

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  Les enfants du numérique   Quels sont les produits qui attirent les consommateurs rassasiés d’aujourd’hui ? Essentiellement des objets qui transportent de l’immatériel, c’est-à-dire de l’information, des bits , des 0 et des 1, tout ce qui touche à l’informatique, aux ordinateurs et à l’Internet. Un peu difficile à assimiler pour les vieillards, l’informatique paraît un « jeu d’enfant » : voyez mon bébé avec son téléphone, il a tout compris. Poussez ici un nouveau petit soupir d’émerveillement. Dans leur incommensurable naïveté, nos contemporains tombent régulièrement en extase devant les prodiges des petits génies qui jouent sur leurs consoles. Il n’y a pourtant aucun motif à s’étonner. Tous les enfants du monde apprennent avec une désarmante facilité des codes autrement plus complexes qu’on appelle les langues. Pourquoi seraient-ils rebutés par des systèmes binaires pour la plupart, des langages élémentaires ? Un petit Indien d’Amérique apprend a...

Poésie

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        Si le monde est ce qu’il est, Sans après, sans avant, ni autour ; Si le monde est ce qu’il est, Livré aux méchants sans recours ; Si le temps ne peut pas s’arrêter Pour faire place à quelques secours, À la miséricorde, à la bonté ; Pourquoi s’obstiner ? Y a-t-il plus de noblesse à supporter Les coups et les flèches outrageantes de la fortune, Qu’à s’armer contre un océan d’adversité Et en s’y opposant y mettre fin ? Mourir... Dormir... À moins que Le fracas et la cruauté du monde Ne dissimulent quelque fleur d’amour vrai ― comme un puits au milieu du désert. Un don sans attente de contre-don. Une caresse furtive. Un enfant à cajoler. Un air de flûte. Le croquant d’une cerise. Un sourire contre rien. Une marque, toute petite, de gratitude. Toi en qui je me reconnais. Tout n’est peut-être pas perdu.